De Jacques Aben, administrateur de l’ANOPEX :
J’ai tout de suite flairé qui pouvait être ce boulanger apparemment hors norme.
J’écris « apparemment », car j’ai l’impression qu’en matière de boulange, la « norme » est bien difficile à définir, entre ceux qui n’ont qu’un atelier et pas d’échoppe et devant chez qui ont fait la queue sur le trottoir ; ceux qui livrent dans les hameaux et prennent la commande pour la semaine suivante ; ceux qui cuisent du pain « à l’ancienne » et au bois ; ceux qui cultivent leur blé… et ceux qui ne méritent pas le titre de boulanger, parce qu’ils se contentent de cuire des préparations fournies par de grands groupes de meunerie, dans des fours électriques.
Oui, ce boulanger en triporteur, c’était bien François Pellegrin, c’est-à-dire l’un des nôtres, encore aujourd’hui membre du conseil d’administration.
L’un des nôtres, mais qui est revenu d’opération avec une blessure psychologique grave, et qui tente de se reconstruire et de s’établir.
J’ai fait sa connaissance à l’assemblée générale de 2018, où je défendais la première réforme de nos statuts. Il racontait à quelques auditeurs attentifs, ce qu’était sa vie de chauffeur de grande remise, c’est-à-dire la mise à disposition de voitures plutôt « haut-de-gamme » avec chauffeur, uniquement sur commande et pour une destination définie.
Dans son cas, cela voulait dire une limousine Jaguar, noire évidemment. Il expliquait qu’il s’agissait d’un véhicule de deuxième main, pour lequel le premier propriétaire avait demandé qu’il soit livré sans que la course du jaguar, symbole de la marque, figure sur l’arrière, sans doute par souci de discrétion. Mais lui-même, qui avait besoin d’afficher le caractère haut-de-gamme de son outil de travail, avait été amené à faire poser ce marquage particulier a posteriori.
Malheureusement, la chance n’a pas souri à cet audacieux, et il a dû revendre sa Jag’ et liquider son activité.
Dans sa quête d’une activité professionnelle pérenne, je l’ai retrouvé candidat au jeu télévisé « Le meilleur pâtissier ». En fait, je ne l’ai retrouvé que dans les informations que Jean-Pierre Pakula nous avait transmises à l’époque. C’était indiscutablement un changement à 180°, mais après tout, pourquoi pas, si l’on a gardé les compétences nécessaires, depuis une vie antérieure ? Apparemment, les siennes n’ont pas suffi, puisqu’il n’a pas figuré au deuxième tour.
Mais grâce aux relations de l’Anopex dans les cercles centraux de l’État, Jean-Pierre lui a trouvé un stage de pâtisserie dans la brigade des cuisines de l’Élysée (chapeau JPP !).
En conséquence, nous retrouvons François, boulanger indépendant, mais aussi philanthrope. Philanthrope, parce qu’il apporte un service de première nécessité aux plus démunis d’une région qui en compte beaucoup.
Et il le fait avec les maigres moyens dont ils dispose, si l’on met de côté son cœur, qu’il a « gros comme ça ».
Cette heureuse disposition d’esprit, il l’a manifestée en maintes circonstances, dans la vie militaire, je crois savoir ; dans le monde combattant et encore récemment pendant la phase dramatique de la covid, en se mettant à la disposition du dispositif Résilience.
En tout cas, si François nous donne une leçon dans ce conte, c’est bien qu’il ne faut jamais baisser les bras. On peut tomber, et tomber encore, mais à chaque fois il faut se relever. Il s’est toujours relevé, même si la vie n’a pas été très « sympa » avec lui.
Et face à cette nécessité vitale, l’appartenance à une communauté, comme celle que nous formons, peut être salvatrice, parce qu’on peut y rencontrer un camarade qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un… qui peut aider.
Alors, regardez-le, ce petit film, et retrouvez l’atmosphère de Noël, forcément marquée par un zeste d’émotion.